Rebondir après un handicap : le parcours de reconversion de Mélanie Pflaum
Pour commencer, pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours professionnel ?
Bien sûr ! J’ai 38 ans, je suis maman de deux enfants. Après le bac, j’ai suivi un DUT en techniques de commercialisation en alternance. J’ai ensuite travaillé dans le secteur bancaire et dans le commerce. Mais en 2014, j’ai décidé de me réorienter vers le domaine de la petite enfance et je suis devenue auxiliaire de puériculture. C’est un métier que j’ai exercé avec passion pendant huit ans. Malheureusement, des soucis de santé sont apparus, et j’ai été licenciée pour inaptitude. Je ne pouvais plus continuer dans cette profession et j’ai donc dû envisager une nouvelle réorientation compatible avec mon handicap.
Vous avez bénéficié d’un accompagnement pour cette réorientation ?
Oui, au départ, j’ai été accompagnée par Cap Emploi, mais leurs propositions ne correspondaient pas tout à fait à mes attentes. J’ai donc fait appel au service Pôle Handicap de France Travail, qui m’a apporté un soutien, notamment pour lever certains freins liés à ma situation : les trajets, la garde de mes enfants…pour commencer quelque chose de manière plus sereine. Mais j’ai aussi fait beaucoup de recherches par moi-même pour trouver un métier qui ait un sens pour moi tout en étant compatible avec mon handicap.
Le fait d’avoir une reconnaissance de travailleur handicapé m’a permis d’accéder à la formation. Sans cela, je n’aurais jamais pu me réorienter et financer la formation. Et j’aurais peut-être dû choisir un métier par défaut, ce que je ne souhaitais pas.
Après une première reconversion, vous avez choisi de rejoindre le secteur de l’accompagnement. Rester dans ce secteur était-il primordial pour vous ?
Oui, totalement. J’aimais mon métier d’auxiliaire de puériculture, et ça a été un deuil difficile à faire de ne plus pouvoir l’exercer. Il m’a fallu plus d’un an pour l’accepter. Je voulais rester dans un domaine où je pouvais aider et accompagner les autres, un métier avec du sens et qui soit compatible avec mon handicap. J’ai donc choisi de devenir monitrice-éducatrice dans un centre thérapeutique résidentiel en addictologie. C’était une continuité logique avec mon métier d’avant, mais avec des compétences adaptées à ma nouvelle situation. Même si ce choix s’est imposé à moi, j’ai réussi à trouver un métier qui me plait vraiment.
Vous avez choisi l’alternance pour cette nouvelle formation. Pourquoi ce choix ?
C’était avant tout une question financière. Reprendre une formation classique n’aurait pas été envisageable pour moi. L’alternance m’a permis de continuer à percevoir un revenu tout en me formant à un nouveau métier.
Quelles sont vos principales responsabilités en tant que monitrice-éducatrice ?
Je travaille auprès d’un public adulte en situation d’addiction. J’accompagne les usagers dans leur démarche de soins sous un angle éducatif et social. Cela passe par les tâches du quotidien, l’organisation d’ateliers thérapeutiques et le travail en équipe pluridisciplinaire pour répondre aux besoins spécifiques de chaque résident. Mon rôle est d’apporter un cadre et un accompagnement pour les aider à avancer dans leur parcours de soins.
Et ce travail est-il principalement individuel ou collectif ?
Il y a un peu des deux. J’ai des temps d’accompagnement individuel avec certains résidents, mais aussi des temps collectifs sous forme d’ateliers ou d’échanges informels au quotidien. Le rythme de travail me permet d’être présente lors des repas, des démarches extérieures, des moments de vie en communauté et d’être au plus proche des besoins des résidents.
Votre passage du public enfant au public adulte, était-ce un choix ou une nécessité ?
Les deux. Mon handicap ne me permettait plus de travailler avec des enfants en bas âge, donc je savais que je devais m’orienter vers un autre public. Et quand cette opportunité s’est présentée, elle correspondait à mes attentes, tant en termes de valeurs que d’adaptation à mes capacités.

Quels sont les aspects les plus gratifiants de votre travail ?
Voir l’évolution des résidents, du moment où ils arrivent jusqu’à leur départ. C’est très gratifiant de constater les progrès qu’ils font, de les voir reprendre confiance en eux. Et pour moi, ça a du sens d'accompagner les patients dans un moment où ils sont vulnérables, ce sont des moments d'échanges enrichissants. J’apprécie aussi énormément le travail d’équipe, qui permet de confronter les pratiques et d’apprendre les uns des autres, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Enfin, avoir une certaine autonomie dans mon travail me permet d’être force de proposition et de mener des projets en lien avec mes compétences.
Quels sont les défis que vous rencontrez en tant que professionnelle et alternante en situation de handicap ?
J’ai des restrictions dans mes postures et le port de charge. Donc ça peut impacter certaines tâches dans mon quotidien, notamment sur la tenue d’une posture trop longue quand je suis assise trop longtemps ou debout trop longtemps. Au CFA, j’ai pu bénéficier d’un aménagement de poste. Comme je suis assise longtemps en formation, il me fallait un fauteuil ergonomique, ce qui a été mis en place très rapidement. Et j’ai la possibilité de pouvoir me lever et de marcher dans la salle de classe si j’en éprouve le besoin. Le CFA est notamment doté aussi de tapis de relaxation, de ballons de gym, ce qui permet de pouvoir faire des étirements à la pause, par exemple, ou de pouvoir s’installer sur les ballons pour se mobiliser différemment qu’assise sur le fauteuil.
Sur mon lieu d’alternance, j’ai la chance d’être bien accompagnée par mon employeur et mes collègues, donc je n’ai pas rencontré de grandes difficultés et je n’ai pas eu besoin d’aménagement particulier. Il y a bien sûr quelques contraintes liées à mes restrictions mais je peux m’adapter avec l’aide de mon équipe. Finalement, je ne ressens pas ma différence. Et ça, c’est important pour l’état d’esprit, de pas être stigmatisée.
Selon vous, comment améliorer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le secteur social et du soin ?
Il faut avant tout sensibiliser les employeurs et les équipes au handicap et aux handicaps invisibles. Trop souvent, on entend des remarques comme : « Mais on ne voit pas que tu as un handicap. » Pourtant, cela a de vraies conséquences sur la vie professionnelle. L’aménagement des postes de travail et la flexibilité sont aussi des leviers essentiels pour concilier l’activité professionnelle et le parcours de soin qui impose des rendez-vous médicaux. Enfin, il faudrait renforcer l’accès à la formation à tout âge de la vie, pour que les personnes en situation de handicap puissent rebondir sans être contraintes à un métier par défaut.
Quel message aimeriez-vous adresser aux personnes en situation de handicap qui souhaitent s’orienter vers ce secteur ou qui se sentent perdues ?
La route peut sembler longue et compliquée, mais avec de la persévérance et un bon accompagnement, on peut trouver un métier qui nous correspond. Les qualités d’une personne ne disparaissent pas avec un handicap, au contraire, cela peut même être une force et un atout pour une équipe. Perdre son métier est une épreuve et lorsqu’on retrouve un travail qui nous épanouit, on se donne encore plus à fond, car on sait la valeur de cette opportunité. Il ne faut pas hésiter à croire en soi et à aller chercher du soutien.