« Nous devons proposer des outils "parapentes" propices à l'ascension »

13 Novembre 2024
À l'occasion de la Semaine Européenne pour l'Emploi des Personnes en situation de Handicap (SEEPH) 2024, qui met cette année l'accent sur le thème "Handicap et Parcours professionnel : Comment assurer une vraie égalité des chances ?", nous avons eu le plaisir d'échanger avec Pierre-Marie Lasbleis, directeur de l’association OETH. Au cœur des discussions, les enjeux d’inclusion et d’accessibilité dans le secteur privé de la santé, les défis auxquels font face les travailleurs en situation de handicap, et le rôle clé des partenariats pour soutenir les parcours professionnels.

Comment a commencé le partenariat entre l’OPCO Santé et l’OETH ?

Le partenariat entre l'OPCO Santé et OETH a plus de 20 ans et a toujours été centré sur l’accompagnement des parcours des salariés en risque d'inaptitude, en particulier les travailleurs en situation de handicap. Il reflète une convergence entre nos deux activités, qui visent à soutenir les parcours professionnels de publics fragiles ou éloignés de l’emploi. Une des données majeures mises en lumière par le baromètre emploi-formation de l'OPCO Santé est le nombre important de licenciements pour inaptitude dans la branche SSSMS, avec environ 7 500 personnes concernées chaque année. C’est ce constat qui a renforcé notre collaboration : l'OPCO Santé apporte un soutien financier à travers les fonds mutualisés de la branche, tandis qu’OETH apporte un financement complémentaire permettant dans la plupart des cas aucun reste à charge pour l’employeur, et met son réseau et son expertise au service des situations rencontrées.

Au fil du temps, avec l'évolution de l'OPCO Santé et l’élargissement de ses missions, notre partenariat s'est diversifié. Cependant, la sécurisation et l'accompagnement des parcours professionnels restent au cœur de notre collaboration, avec toujours cette volonté de répondre aux besoins spécifiques des salariés en situation de fragilité.

Comment se concrétise cette collaboration ?

Notre partenariat repose sur des financements mais il ne s’agit pas que de cela. Il repose aussi sur d’autres objectifs clés.

Nous devons améliorer la visibilité et la compréhension de nos dispositifs pour mieux accompagner les établissements, en particulier lorsqu'un salarié se retrouve en situation d’inaptitude. Souvent gérées dans l’urgence, ces situations nécessitent des solutions claires et accessibles. Notre ambition est de faciliter cet accompagnement, notamment en permettant le « zéro reste à charge » pour les entreprises qui accompagnent leurs salariés menacés d’inaptitude vers une évolution professionnelle. L’OETH et l’OPCO Santé s’engagent à intensifier leurs efforts pour promouvoir leurs services et se positionner comme des partenaires essentiels pour soutenir à la fois les entreprises et les salariés dans ces moments complexes.

Nous devons également assurer la sécurisation et l’accompagnement des parcours professionnels, au-delà de notre simple partenariat financier pour la formation ou la reconversion. Cet enjeu passe par une acculturation mutuelle entre l'OPCO Santé et l'OETH. Il est essentiel de créer des passerelles entre nos compétences respectives. L'OPCO Santé, en première ligne pour gérer les défis liés à la crise des métiers, la fidélisation des talents et la sécurisation des parcours, a une vision globale des enjeux RH du secteur. De notre côté, nous disposons des outils et d’un réseau d’acteurs spécialisés que nous devons mettre à disposition pour faciliter le soutien aux établissements. Cette collaboration s’appuie sur un travail constant de sensibilisation et de formation, en lien avec vos équipes régionales, pour les aider à mieux comprendre les problématiques du handicap au travail et les enjeux de sécurisation des parcours. De même, nous avons besoin de bien intégrer votre offre de services, notamment « mieux vivre au travail », dans nos conseils aux établissements, et cette acculturation mutuelle est cruciale. Récemment, les équipes de l’OPCO Santé ont formé les nôtres sur ses dispositifs, qui sont en constante évolution. Il est donc important de rester en échange permanent, car c’est en créant ces connexions entre tous les acteurs que les solutions émergent et fonctionnent efficacement.

L'enjeu fondamental de ce partenariat est donc de garantir une coordination continue entre tous les acteurs, car c’est par ces échanges que nous pourrons anticiper les situations d’inaptitude, améliorer les conditions de travail et sécuriser les parcours professionnels.

Quels sont les défis actuels en matière d'emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé de la santé et comment notre partenariat y répond ?

Les défis actuels en matière d'emploi pour les personnes en situation de handicap dans le secteur privé de la santé ne sont pas fondamentalement différents de ceux rencontrés par l'ensemble des professionnels du secteur et, reflètent souvent, à peine amplifiées, les problématiques générales auxquelles font face tous les salariés du secteur. Ces défis incluent le maintien en poste, des besoins spécifiques à prendre en compte par l’employeur, ainsi que l'accompagnement dans l'évolution de leur parcours professionnel. Tout cela est également vrai pour d'autres employés, qui peuvent avoir des besoins spécifiques liés à leur situation familiale ou à la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, un enjeu important, notamment chez les jeunes.

Les personnes en situation de handicap, en raison de problèmes de santé récurrents, peuvent cependant nécessiter un accompagnement plus particulier, ainsi qu'une ingénierie spécifique de parcours, mobilisant des experts aptes à concilier contraintes de santé et emploi. Toutefois, les enjeux de fond restent similaires : créer des entreprises accessibles à tous, en mettant en œuvre une véritable accessibilité universelle. De nombreuses innovations destinées à faciliter le quotidien, comme la télécommande ou le mode vibreur du téléphone portable, ont été conçues à l'origine pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, mais se sont révélées bénéfiques pour l'ensemble de la population.

En définitive, les travailleurs en situation de handicap peuvent jouer un rôle de précurseurs dans l'attention que les employeurs doivent porter à l'ensemble de leurs salariés. En adoptant des pratiques adaptées, les entreprises deviennent naturellement plus accueillantes et attentives aux besoins spécifiques de tous leurs collaborateurs, renforçant ainsi leur capacité à mieux concilier les attentes individuelles et les contraintes organisationnelles.

L'édition 2024 de la SEEPH met en avant le thème "Handicap et parcours professionnel : Comment garantir une réelle égalité des chances ?" Selon vous, comment la formation professionnelle contribue-t-elle à sécuriser les parcours des travailleurs en situation de handicap et à favoriser cette égalité des chances ?

La question de l'égalité des chances pour les personnes en situation de handicap est cruciale, et la formation professionnelle joue un rôle central pour y parvenir, notamment dans le secteur SSSMS, où les parcours professionnels sont souvent marqués par des sinuosités. Ces sinuosités peuvent être liées à des événements de vie, que ce soient des conséquences du travail sur la santé ou, à l'inverse, des conséquences de la santé sur le travail. Nous faisons face à des parcours où les difficultés s’entrelacent, et la question essentielle est de savoir comment s'y préparer et transformer ces obstacles en opportunités. Dans ce contexte, notre branche doit se doter d'outils, que j’assimile à des "parachutes" ou des "parapentes", qui amortissent les chocs tout en offrant des possibilités d'ascension.

Ces outils permettent non seulement de gérer les difficultés, mais aussi de capitaliser sur elles pour favoriser une évolution positive des parcours. Le rôle de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEPH) est justement de libérer la parole sur le handicap, de déstigmatiser cette notion, et d’aborder la question sous un angle différent.

Le terme "handicap" porte encore une connotation négative. Pourtant, il s'agit avant tout de la manière dont on accompagne un parcours professionnel, surtout dans un contexte où les carrières s'allongent. Ce n’est pas uniquement une question de handicap visible, mais aussi de comment, en tant que branche, nous aidons les salariés à traverser des moments de vie difficiles : accompagnement d’un proche, burnout, ou encore situations de soin d’un enfant ou parent dépendant.

Nous avons, au niveau de la branche SSSMS, une mutualisation des fonds et une ambition forte pour soutenir ces enjeux. Cela est d’autant plus pertinent que les défis autour de la fidélisation des talents et de la gestion des crises des métiers sont énormes. La formation professionnelle, en lien avec nos dispositifs, doit être un levier pour accompagner ces parcours et transformer chaque difficulté en une opportunité de rebond et d’évolution.

Comment voyez-vous l’évolution de ces partenariats dans les années à venir ?

Je pense que ces partenariats vont se renforcer. L'OPCO Santé, avec sa vision large, et l’OETH, avec un focus plus précis sur les relations entre santé et travail, partagent une préoccupation commune : l'innovation, notamment en matière de management et de pratiques en ressources humaines. Nous sommes des outils paritaires au service de l’attractivité du secteur, et cette attractivité repose sur l'évolution des pratiques RH vers une plus grande accessibilité et une meilleure prise en compte des besoins individuels.

Il est donc essentiel que nos actions s’articulent de plus en plus autour de ces enjeux pour soutenir la transformation du secteur.